Pour les Bretons, les enclos paroissiaux font partie des paysages familiers. Ils constituent le signe d'appel des centres urbains, du moins pour les petites villes et les villages, autour desquels ils se sont structurés. Ils sont devenus des repères dans les campagnes, comme des bornes qui indiquent une position, l'assurance d'une présence humaine, d'une possibilité de secours. En nombre, ils seraient plus de cent, rien que dans le Finistère, alors combien sont-ils dans toute la Bretagne et s'il nous venait à l'esprit de compter les projets incomplets, croix, calvaires, chapelles, à quel chiffre parviendrions-nous ?
Pour autant, ces réalisations nous parlent-elles ?
Trop présents, pour certains, elles sont devenues banales. D'autres interlocuteurs, plus savants, en connaissent l'histoire, du moins celle des conditions favorables qui ont permis leur production, le développement du commerce du lin et les échanges commerciaux rendus possible par une marine bretonne puissante. Certains, plus lettrés encore, mettront l'accent sur la forme particulière de la maîtrise d'ouvrage, sur l'existence de fabriques issues du groupement humain le plus proche, la paroisse, et sur une liberté toute singulière d'expression.
Mais, ces réalisations les connaissons-nous pour autant ?
L'objectif fixé dans la conférence de ce jour, une expression mal adaptée, il faudrait parler davantage de présentation, de mise en perspective, est, pour toute personne présente, de se mettre face à ces œuvres, comme si l'on retrouvait avec émerveillement un objet perdu depuis l'enfance, et en conséquence à commencer à regarder, examiner, décomposer, analyser ce qui souvent n'était devenu qu'un fond de décor. Pour que cette expérience advienne et soit vécue comme une découverte, il est préférable de disposer d'une méthode et des instruments. La méthode, c'est de se confronter au domaine en abordant les différents aspects de l'œuvre d'art, notamment de l'architecture : l'espace, la structure, le décor, et s'attaquer à sa caractéristique la plus abstraite : la composition. Les instruments, c'est d'utiliser l'histoire des formes, celles qui ont vu le jour en Bretagne ou y ont pris place, celles qui sont venues d'ailleurs. La compréhension est plus aisée quand on connaît les filiations.
Cette présentation veut donc solliciter la part la plus intuitive dans la perception, parler au cœur, de la beauté ou de l'adéquation de l'idée à la forme, mais elle veut aussi donner quelques outils pour voir ce qui est essai, tentative et perfection. Il s'agit d'apprendre à aimer cet ensemble de créations humaines, pendant une heure ou même davantage, une façon de communiquer avec le passé et de rendre une nouvelle fois justice aux auteurs de ces réalisations pour ce fabuleux héritage.