Les îles, c’est d’abord le voyage vers l’île, et écrire à leur propos recouvre tous les ingrédients possibles de ce dernier : le voyage du navigateur qui se pense découvreur, celui du conquérant et de l’exilé, celui du commerçant et du naturaliste, celui du déporté et du missionnaire, celui de qui se rêve roi dans un monde à part, ou négrier, ou pirate, celui de qui est en quête d’émerveillement et d’une pureté neuve.
Les « écrivains-voyageurs » ne sont pas (seulement) des collectionneurs de cartes postales ou des aventuriers inspirés. Sans doute, ils savent, depuis Homère, inventer des îles, de Dumas à Defoe, de Fred à Hergé. Mais, comme ces dernières sont la plaque sensible du monde émergé, ils témoignent de ce qu’ils ont perçu : Melville aux Marquises, Tchékov à Sakhaline, Albert Londres aux îles du salut, Kellermann à Ouessant, Abraham à Ar Men, Prévélakis en Crète, Perec à Ellis Island, Soljénitsyne à Solovki, Prévert à Belle Île, etc. Sans oublier la littérature proprement insulaire, depuis Coloane jusqu’aux déchirants écrivains caribéens.
Le comble, ce sont les îles d’utopie, celles de Swift ou de Thomas More. Îles fictives où ils situent des sociétés inaccessibles, des opinions inavouables, des situations qui ne peuvent exister que par la rêverie ou par la guerre. Ce qui n’est pas évasion mais cœur et tragédie du débat.
Bref, les îles, qui mobilisent tant nos fantasmes, sont chemins de vérité crue.
Hervé Hamon est écrivain, docteur en histoire sociale.