Rencontre sur l'actualité artistique

Le lundi 30 janvier 2023  , au parc des exposition de Langolvas, Madame De Langle a animé la deuxième rencontre sur l'actualité artistique.

Le thème de cette rencontre a porté sur l' exposition 

 LOUIS XV , passions d'un roi

au Château de Versailles 

 

 

Madame Christine de Langle nous a transmis le texte de son intervention que vous trouverez ci-dessous:

Louis XV, passions d’un roi

 

L’exposition qui se tient au château de Versailles jusqu’au 19 février nous dévoile-t-elle les
nombreuses conquêtes amoureuses d’un roi connu pour ses infidélités conjugales ? Loin
de l’image caricaturale véhiculée par les manuels scolaires français depuis le XIXe siècle,
cette exposition présente les objets qui ont accompagné la vie de Louis XV et permettent
de mieux cerner sa personnalité et ses goûts. Des objets exceptionnels venus du monde
entier retracent un portrait plus juste du « Bien Aimé », de l’homme privé, de ses passions
et de ce qu’il est convenu d’appeler le style Louis XV.

L’homme privé
Avec cette première exposition consacrée à Louis XV, seul roi né et mort à Versailles
(1710-1774), le château de Versailles commémore le tricentenaire du retour du jeune roi à
Versailles en 1722 et son sacre à Reims la même année.
Un tableau attribué à Nicolas de Largillière présente Louis XIV fièrement entouré de sa
descendance mâle. Mais l’œuvre réalisée en 1715 rappelle que Louis XV, âgé de cinq ans
à la mort du vieux roi, aura connu « une enfance de cimetière ». Arrière-petit-fils de Louis
XIV, il est le seul rescapé d’une vague épidémique qui a décimé la famille royale.
L’atmosphère funèbre de ses premières années dessine à jamais une personnalité
mélancolique et secrète qui ne s’épanouira qu’en petit comité. Ne cherchons pas plus loin
son goût des soupers pris dans les Appartements d’intérieur ou Petits appartements qu’il
se fait aménager dans l’ancien appartement de collectionneur de son illustre aïeul. Loin
d’une étiquette qui l’étouffe, le roi dévoile toute sa culture et son esprit auprès d’un cercle
restreint de personnes de confiance. On y retrouve les favorites issues de l’aristocratie, les
sœurs Nesle, puis de la grande bourgeoisie financière, Madame de Pompadour, enfin la
roturière Madame du Barry. Ces choix révèlent le caractère sensuel du roi mais aussi le
désir de s’affranchir d’un ordre établi et d’une société de castes.
Toute une galerie de portraits peints par de Troy, Largillière, Nattier ou Van Loo, dessine
sa généalogie royale et les principaux évènements familiaux qui lui sont propres : ses
fiançailles avec la petite infante Marie-Anne-Victoire, la rupture trois ans plus tard qui
provoque la fin de la diplomatie franco-espagnole, son mariage avec la jeune Marie
Leszczynska, dans l’unique but de donner vite des héritiers à la Couronne, ses petits-
enfants, et parmi eux, le jeune duc de Berry, futur Louis XVI. Nous découvrons un roi très
attaché à sa famille, lui qui en a été privé trop petit.

Un roi profondément croyant
L’éducation religieuse reçue de son précepteur, le cardinal de Fleury, accompagne le roi
toute sa vie. C’est pour beaucoup une des surprises de l’exposition. Loin de l’image d’un
roi à la vie dissolue et donc peu religieux, c’est au contraire un homme profondément
croyant et respectueux de l’Eglise, ciment du Royaume, et qui, faute de respecter ses
Commandements, préfère s’éloigner des sacrements pendant plus de trente ans. C’est
avec mauvaise conscience qu’il vit ses liaisons avec ses favorites. Madame de
Pompadour le sait bien qui tremble à chaque fois que la vie du roi est mise en danger car
elle risque de tout perdre : lors d’une maladie grave ou au moment de l’attentat de
Damien, la roi remercie le Ciel, se repent de sa conduite et se rapproche de la reine.

Les passions d’un roi
Louis XV compte parmi les rois les plus instruits de son temps. Grand lecteur, il lit en
français, latin et italien et fait aménager dans toutes les résidences royales des
bibliothèques.
Protecteur des sciences et des arts, le roi s’investit personnellement dans tous les
domaines scientifiques, astronomie, mécanique, optique, horlogerie, botanique. Capable
de discuter avec les meilleurs savants de l’époque, le roi commande pour Versailles des
instruments de haute précision, chefs d’œuvre techniques et artistiques. La Pendule
astronomique, véritable trésor national dû au génie de l’ingénieur Passement qui calcule
ses tables astronomiques jusqu’en 9999, l’horloger Dauthiau a réalisé le mécanisme et les
Caffieri, père et fils, ornent l’ensemble d’un exceptionnel décor rocaille de bronze doré. Le
microscope tripode du même ingénieur illustre la passion du roi et de la Cour pour l’étude
de l’infiniment petit. En 1746, c’est dans la Galerie des Glaces que prend place
l’expérience de la conduction de l’électricité conduite par l’abbé Nollet. Le roi se révèle
aussi particulièrement adroit pour tourner l’ivoire, comme en témoigne une ravissante
pendule toujours conservée au château de Versailles.
A Trianon, le roi décide de créer le jardin botanique le plus vaste d’Europe avec 4000
variétés de plantes provenant du monde entier avec l’idée de pouvoir les cultiver. La
France découvre ainsi l’ananas.
Depuis son plus jeune âge, Louis XV est un grand passionné de chasse, la seule activité
physique qu’il pratique à un rythme soutenu, souvent trois fois par semaine, et qu’il fait
suivre d’un diner de chasse, y assister est un privilège recherché. Le roi a sollicité ses
meilleurs peintres (Parrocel, Lancret, Pater, Boucher, Van Loo) pour le décor d’une

Galerie des Chasses exotiques, aujourd’hui au musée d’Amiens. L’ensemble revient à
Versailles pour la première fois depuis 1667.
Passionné par l’architecture et le décor intérieur, le roi aime travailler avec son premier
architecte, Ange-Jacques Gabriel. Aménagement des petits appartements à Versailles,
construction du Petit Trianon, programme d’embellissement des grandes villes du
royaume par la construction de places royales autour d’une statue du souverain.
Beaucoup furent détruites à la Révolution, l’exposition présente une main royale, seul
reste de la statue de bronze prévue pour la place Louis XV à Paris (future place de la
Concorde). A Paris, l’Ecole militaire, l’Ecole des Ponts et Chaussées, l’église Sainte
Geneviève (futur Panthéon) sont des créations voulues par le roi.

Madame de Pompadour, « ministre de la culture » de Louis XV
Emanation de cette aristocratie de la finance, d’une grande culture, la nouvelle favorite
protège les gens de lettres et les artistes. Voltaire, Montesquieu, ou Diderot qui lui doit
l’autorisation de publier les deux premiers tomes de l’Encyclopédie. Madame de
Pompadour soutient la nouvelle manufacture royale de porcelaine de Vincennes, bientôt
installée à Sèvres, qui permet d’arrêter les importations massives de porcelaine de Chine
ou de Meissen. A partir de 1758, le roi organise des expositions-ventes à Versailles qui
rencontrent un énorme succès auprès de la famille royale et de l’aristocratie. La réputation
de la porcelaine française assoie le rayonnement du service à la française.
Parmi les objets exceptionnels de l’exposition, la Commode de Gaudreaus, commandée
pour la chambre du roi à Versailles est remarquable à plus d’un titre. Elle revient pour la
première fois à Versailles depuis 1774, conservée à la Wallace Collection de Londres, elle
vient d’être restaurée. Fruit du savoir-faire du dessinateur Slotz, de l’ébéniste Gaudreaus
et du bronzier Caffieri, le meuble allie l’équilibre de la forme, la beauté de la marqueterie et
la fantaisie des courbes et contrecourbes des bronzes dorés, un chef d’œuvre du style
rocaille, dit aussi style Louis XV.
Madame du Barry, nouvelle favorite dès 1768, avoue une prédilection pour les meubles
avec inclusion de plaques de porcelaine et fait travailler les artistes à Versailles (ses
appartements viennent d’être inaugurés après restauration) ou à Louveciennes dont
Fragonard a décoré le pavillon de musique sur le thème de l’amour.

Une image renouvelée de Louis XV

La Cour subit une nouvelle vague épidémique, en quelques jours le roi est emporté par la
variole et meurt le 10 mai 1774.
A la mort de ce roi si décrié par la suite - nos livres d’histoire n’ont pas manqué de nous
alerter sur la vie dissolue du roi et sur la perte du Canada - le pays est prospère, s’est
agrandi de deux provinces, la Lorraine et la Corse, la France est la plus grande puissance
économique et politique et son rayonnement intellectuel et artistique est unique. Toutes
les élites cultivées parlent français, c’est la langue des arts et des sciences « La Science
doit parler la langue universelle et cette langue est le français » déclare Frédéric II de
Prusse.
Les historiens décrivent son sens du devoir et de l’Etat, son courage à la guerre et sa
bonté naturelle, notamment lors de la bataille de Fontenoy, «Le sang de nos ennemis est
toujours le sang des hommes, la vraie gloire est de l’épargner », l’intelligence politique du
roi malmenée par les blocages institutionnelles des parlements et de la noblesse. On est
souvent trahi par son premier cercle.

Le grand apport de l’exposition est de permettre au visiteur d’approcher la personnalité
complexe de Louis XV à travers les objets qui l’ont accompagné, portraits de famille, arts
décoratifs, mobilier, objets scientifiques, médailles. Tous ces objets nous dévoilent la
solitude de l’enfant orphelin et plus tard la mélancolie et le désir d’intimité peu compatible
avec le cérémonial de la vie de Cour. Sa volonté de vie privée, inacceptable à Versailles
où chaque fonction auprès du roi est jalousement disputée par la Cour. L’amour qu’il porte
à ses enfants et sa fidélité en amitié, deux qualités privées qui normalement ne doivent
pas s’exprimer en public. La foi profonde du Roi Très Chrétien qui souffre de ne pouvoir
par sa vie dissolue se conformer aux préceptes de la vie chrétienne. Trop nombreux
encore ceux qui croient que cette vie amoureuse s’accompagnait d’un éloignement de la
Foi.
Une exposition exceptionnelle par la qualité des objets réunis et les prêts consentis. Ces
objets qui nous parlent de Louis XV renouvellent notre regard sur l’homme et le roi. A
chacun de se faire sa religion !

Christine de Langle

Exposition
Louis XV Passions d’un roi

Château de Versailles
18 octobre 2022 - 19 février 2023

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